La partition de l’Irak enterrée avec la reconquête de Kirkouk
Samer R. Zoughaib
En quelques jours seulement, le projet de partage de l’Irak a été étouffé dans l’œuf grâce à la prise de Kirkouk et des régions occupées par les Kurdes.
Dès que l’effondrement du projet de «Daech» en Irak et en Syrie ne faisait plus de doute, et que les Etats-Unis et leurs agents régionaux ont compris que cette carte, qu’ils ont instrumentalisé pendant des années, était neutralisée, ils sont passés au plan de contingence. Avant même que la défaite des takfiristes ne soit totale, le président du Kurdistan irakien, Massoud Barazani, a dépoussiéré le projet d’indépendance de la province autonome, en violation de la Constitution fédérale. En dépit de l’opposition du pouvoir central à Bagdad et de tous les pays voisins (Turquie, Iran, Syrie), il a donc organisé, le 25 septembre, un referendum, dont le résultat était un «oui» massif à l’indépendance. Cependant, ce scrutin controversé s’est tenu dans des conditions sujettes à de maintes questions. Le déroulement du vote, le climat électoral, le taux de participation et le résultat final n’ont pu être vérifiés par des milieux neutres.
Washington encourage Barazani
Washington a affirmé être opposé au referendum et a appelé les protagonistes au dialogue. Néanmoins, les analystes sont convaincus que sans l’encouragement –sous la table- des Etats-Unis, Barazani ne serait pas allé jusqu’au bout de son projet. Pour des enjeux beaucoup moins cruciaux, le chef kurde a cédé dans le passé aux pressions de la Turquie et de l’Iran. Donc, tout en affirmant publiquement qu’ils étaient opposés au referendum, les Américains ont fourni à Barazani des garanties de protection, qu’ils n’ont pas été en mesure d’honorer. Leur but était de mettre en œuvre le projet de partition de l’Irak et, dans une seconde étape, de la Syrie, conformément au plan de l’ancien vice-président américain, Joe Biden. L’objectif ultime étant d’entretenir des guerres civiles larvées dans les pays de la région afin affaiblir l’Axe de la Résistance, dont les victoires décisives sur les champs de bataille ont permis de vaincre le projet takfiriste.
Certes, les Kurdes, qui constituent une des composantes essentielles de la région, ont des droits politiques indéniables. Mais ces droits doivent s’exercer dans un cadre protégeant le droit des autres composantes et la stabilité des Etats. Dans le cas de l’Irak fédéral, les Kurdes ont obtenu que leurs revendications soient inscrites dans la Constitution. Ils disposent d’une vaste autonomie, d’un gouvernement régional, d’un Parlement, et de la gestion des ressources naturelles et financières de la province. Ils ont même obtenu plus que ce que leur accorde la Constitution, en occupant, à la faveur de l’offensive de «Daech», en 2014, de vastes zones de la province pétrolifère de Kirkouk, ainsi que des régions stratégiques à Sinjar et à Ninive. Ils ont aussi profité des aides du gouvernement central, obtenant 25% du budget fédéral, alors qu’ils ne représentent que le huitième de la population. Placé devant le fait accompli, le gouvernement central à Bagdad, dont la priorité était de combattre «Daech», a fermé les yeux.
«Israël» seul soutien des Kurdes
«Israël» a été le seul pays au monde à reconnaitre les résultats du referendum, qui ouvrait la voie à un démembrement de l’Irak et des autres pays de la région, réalisant ainsi un vieux rêve de l’entité sioniste. Mais la décision de Bagdad de reprendre de force s’il le faut, toutes les régions occupées par les Kurdes depuis 2014, a changé la donne. En l’espace de quelques jours seulement, l’armée irakienne et les Forces de la mobilisation populaire, ont repris toute la province de Kirkouk et ses riches champs pétroliers, la région de Sinjar et les zones disputées de Ninive.
La faible résistance opposée par les Peshmergas s’explique par deux facteurs:
-La forte détermination affichée par Bagdad pour reprendre les zones occupées par les Kurdes.
-Les divergences inter-kurdes qui se sont illustrées par le refus des chefs et des unités des Peshmergas proches de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) de la famille Talabani d’affronter l’armée irakienne.
Les autorités fédérales irakiennes ont fait preuve d’une grande détermination en dépit des tentatives américaines de les dissuader d’utiliser la manière forte et des appels au règlement du conflit par le dialogue. Elles ont aussi bénéficié du soutien sans failles de l’Iran et de l’appui de la Turquie, les deux puissances régionales qui abritent d’importantes communautés kurdes.
La prise de Kirkouk a mis un terme à la dynamique de partage de l’Irak que Barazani souhaitait enclencher. Elle a étouffé dans l’œuf le projet de division et grillé la nouvelle carte américano-israélienne.
Il a fallu sept ans de combats et de sacrifices pour détruite la carte de «Daech» et quelques jours seulement pour neutraliser celle du Kurdistan. Décidément, les plans américains ont une durée de vie de plus en plus courte.
Source : French.alahednews